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Il arrive que le contribuable puisse, occasionnellement, servir de cobaye à l’administration fiscale.
 
Si l’on peut trouver souhaitable que l’administration fasse preuve de créativité face aux schémas complexes auxquelles elle peut être confrontée, il arrive aussi malheureusement parfois que certains services de vérification s’égarent dans des raisonnements maladroits et dangereux.
 
La question de la comptabilisation des immobilisations incorporelles qu’un service régional de l’administration fiscale cherche à déconnecter de toutes les règles comptables et fiscales en est un bon exemple.
 
L’article 38 quinquies de l’annexe III au CODE GENERAL DES IMPÔTS dispose que :
 
 
« Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine.
Cette valeur d'origine s'entend :
a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies ».
 
 
L’article 321-15 du PLAN COMPTABLE GENERAL dispose que :
 
 
« Le coût d’acquisition d’une immobilisation incorporelle acquise séparément est constitué de :
• son prix d’achat, y compris les droits de douane et taxes non récupérables, après déduction des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement, et
• de tous les coûts directement attribuables à la préparation de cet actif en vue de l’utilisation envisagée".
 
 
Il résulte de ces articles que :
 
- d’une part, les immobilisations incorporelles doivent être inscrites au bilan à leur valeur d’origine,
 
- et d’autre part, que la valeur d’inscription au bilan de ces immobilisations incorporelles doit correspondre au prix d’achat de cette immobilisation.
 
 
L’administration fiscal a cependant estimé que le droit d’exploitation attaché à un contrat de licence non exclusif et ne donnant lieu à aucune redevance devrait être inscrit au bilan de l’entreprise au titre d’une immobilisation incorporelle.
 
 
En effet, selon le service, un contrat a nécessairement une valeur et doit être inscrit au bilan de l’entreprise.
 
 
 A défaut de redevance ou d’autres coûts d’acquisition identifiables, la valeur de cette immobilisation incorporelle a été déterminée par l’administration selon une méthode d’évaluation financière d’une activité (actualisation des flux financiers futurs générés) utilisée par les experts en cas de cession de l’activité.
 
L'administration fiscale considère ainsi que le droit d'exploitation attaché à ce contrat est à l'origine d'une « rente » qui doit être comptabilisée au bilan au titre d'immobilisation incorporelle.
 
Selon ce raisonnement, la « rente » étant constatée chaque année, il conviendrait à chaque clôture d'ajouter le montant de la rente de l'exercice, soit un résultat supplémentaire et totalement artificiel à chaque exercice qui revient en pratique à imposer la société sur 66,66% des bénéfices réalisés.
 
 
On imagine aisément le danger d’un tel raisonnement transposable sur tous les éléments incorporels d’une entreprise (fonds de commerce, marque, brevet…) qu’il conviendrait de valoriser tous les ans et ce, comme si une nouvelle immobilisation était créée à chaque exercice !
 
 
Cela étant, on peut espérer que ce redressement expérimental, issu d’un raisonnement définitivement défectueux, ne subsistera pas.
 
 
En effet, en supposant qu’un contrat de licence puisse donner naissance à une immobilisation incorporelle, cette rectification du résultat se heurte au principe comptable d’inscription des immobilisations pour leur valeur d’origine rappelé ci-avant.
 
 
Lorsque le prix de revient d’une immobilisation créée par l’entreprise ne peut pas être déterminé, en l’absence notamment de redevances ou d’autres coûts identifiables, aucun texte n’autorise à remplacer la valeur d’origine par une valeur vénale théorique sans aucun rapport avec la valeur d’origine.
 
 
Au surplus, la rectification ne repose pas sur l’existence de dépenses à incorporer à la valeur d’origine mais sur un calcul de valeur économique sans aucun rapport avec des dépenses.
 
 
En réalité, le fait de vouloir remplacer la valeur d’origine par une valeur actuelle s’apparente à une réévaluation, opération qui peut seulement résulter d’une décision de l’exploitant et non d’une initiative de l’administration.
 
Il convient enfin de préciser que les services centraux de l'administration ont été saisis de ce dossier à notre demande s'agissant d'un redressement expérimental. Suite à cette saisine, le redressement a été abandonné par l'administration.
 

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