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Lorsque le bilan d’une entreprise comporte une erreur concernant une écriture au passif, par exemple une dette qui n’est pas justifiée, l’administration peut opérer une rectification au motif que ce passif ne peut participer au calcul du résultat imposable ce qui entraîne un accroissement de l’actif net et donc majore le résultat imposable.

Si la même erreur se répète sur plusieurs exercices, par exemple la même dette figure au bilan de plusieurs exercices successifs, l’administration ne peut bien évidemment pas opérer de redressement sur chacun des exercices concernés.

Dans ce cas, l’administration doit rectifier symétriquement le bilan précédent s’il est affecté de la même erreur et ce jusqu’à l’exercice au cours duquel l’erreur a été commise.

C’est ce que l’on appelle la « correction symétrique des bilans » qui a ainsi pour effet de limiter le redressement pour chaque exercice à l’enrichissement effectif de l’entreprise au cours de cet exercice.

 

Quid lorsque l’erreur ou l’omission provient d’une écriture passée sur un exercice prescrit ?

 

Lorsque l’erreur a été commise en période prescrite, c’est-à-dire en dehors du délai de reprise de l’administration fiscale qui est en principe de 3 ans (article L 169 du Livre des Procédures Fiscales), le Conseil d’Etat a posé le principe dit de « l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit soumis à la vérification » (arrêt du 31 octobre 1973 n°88207).

Selon ce principe, l’actif net du dernier exercice sur lequel l’administration peut exercer son droit de reprise ne peut être modifié.

Cela conduit ainsi à rattacher au premier exercice non prescrit le redressement qui trouve pourtant son origine dans un exercice prescrit.

 

Exceptions au principe de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit

 

Ce principe était très critiqué car il permettait à l’administration de s’exonérer des règles de prescription.

Il a dans un premier temps été largement remis en cause par un arrêt du Conseil d’Etat du 7 juillet 2004 « Ghesquière Equipement ».

Cependant, le législateur a, dès la loi de finances rectificative pour 2004, introduit un article 38.4 bis du Code Général des Impôts qui a pour objet de revenir à l’ancienne jurisprudence du Conseil d’Etat de 1973 sur l’intangibilité avec cependant certaines exceptions :

"Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci.

Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit.

Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé.

Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession".

Il ressort des débats parlementaires (notamment rapport de M. MARINI) que a souhaité intégrer les avancées de l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de « droit à l’oubli » dans son arrêt « Ghesquière Equipement».

En effet, les contribuables pouvaient se trouver dans l’incapacité d’établir la preuve de la régularité d’écritures au bilan du fait de leur ancienneté et qu’ils n’avaient plus les documents permettant d’établir la régularité de ces écritures.

L’article 38.4 bis du CGI a introduit ainsi une exception à l’intangibilité du bilan d’ouverture lorsque l’entreprise apporte la preuve que l’écriture comptable litigieuse a pour origine un exercice de plus de 10 ans, soit le cumul des trois années d’exercice non prescrit et des sept années avant l’ouverture du premier exercice non prescrit.

Ce délai correspond à l’obligation de conservation des documents comptables par l’entreprise en application des dispositions de l’article L 123-22 du code de commerce ainsi qu’au délai maximum de reprise que l’administration peut exercer dans certaines situations bien spécifiques (article L 170 du Livre des Procédures Fiscales).

 

Cela étant, selon le texte de l’article 38.4 bis, il appartient au contribuable d’apporter la preuve de l’antériorité de l’écriture comptable.

 

Les services fiscaux peuvent quelque fois éprouver une certaine « frustration » lorsqu'il leur est opposé la prescription de leur droit de reprise.

Il est donc important de vous assurer de la recevabilité des éléments de preuves que vous entendez fournir à l’administration.

 

 

Cabinet Chandellier Corbel, avocats fiscalistes