L’autorité absolue de la chose jugée en matière pénale connaît une application spécifique dans le cadre du contentieux fiscal, en raison de la dualité des ordres juridictionnels. Traditionnellement, le juge administratif ne reconnaît pas de force obligatoire aux motifs d’une relaxe au bénéfice du doute, contrairement au juge judiciaire, qui considère qu’un fait écarté par la juridiction pénale ne peut plus être retenu dans un contentieux fiscal.
Cette divergence a longtemps permis des situations paradoxales où un contribuable pouvait être relaxé au pénal mais voir ses impositions maintenues par le juge administratif. Toutefois, cette situation a évolué sous l’impulsion de la jurisprudence judiciaire et des exigences de cohérence juridique.
Historiquement, le Conseil d’État a adopté une position restrictive quant à l’autorité des décisions pénales. Si un jugement pénal établit un fait de manière certaine, celui-ci s’impose aux juridictions administratives. En revanche, lorsque le juge pénal se borne à constater une insuffisance de preuve ou un doute, l’administration fiscale et le juge administratif ont traditionnellement estimé qu’ils pouvaient procéder à leur propre appréciation des faits.
Cette position s’inscrit dans une conception stricte de la séparation des pouvoirs, où l’administration fiscale dispose d’une autonomie dans l’établissement de l’assiette de l’impôt, indépendamment des décisions pénales. Elle permettait notamment de sanctionner fiscalement des faits même lorsque leur imputabilité pénale n’était pas démontrée avec certitude.
À l’inverse, le juge judiciaire applique le principe fondamental selon lequel une décision pénale s’impose aux autres juridictions, qu’elle établisse ou exclue l’existence d’un fait. La Cour de cassation, depuis l’arrêt Quertier du 7 mars 1855, affirme qu’un fait écarté par le juge pénal ne peut être retenu par le juge civil ou fiscal.
Dès lors, une relaxe, y compris prononcée au bénéfice du doute, interdit de considérer comme établi un fait que le juge pénal a estimé non prouvé. Cette position s’appuie sur la présomption d’innocence, qui interdit toute réévaluation postérieure d’un fait jugé en faveur du contribuable.
Le Conseil constitutionnel a renforcé cette approche en décidant qu’un contribuable ne peut être condamné pour fraude fiscale après avoir été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle définitive. Par une série de décisions rendues en 2016, il a imposé une cohérence entre les décisions fiscales et pénales.
L’arrêt du 12 mars 2025 est venu confirmer de manière explicite cette évolution jurisprudentielle en consacrant l’autorité de la chose jugée au pénal sur le contentieux fiscal, même en cas de relaxe au bénéfice du doute.
Dans cette affaire, M. et Mme J avaient été poursuivis pour fraude fiscale en raison d’avoirs supposément dissimulés à l’étranger. Le tribunal correctionnel les avait relaxés, considérant que leur titularité des comptes en Suisse ne pouvait être établie avec certitude. L’administration fiscale, néanmoins, avait maintenu les redressements en se fondant sur les éléments issus du dossier pénal.
Saisi du litige, le tribunal judiciaire a prononcé la décharge des impositions en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à la relaxe pénale. La cour d’appel, cependant, a infirmé ce jugement en considérant que l’administration fiscale pouvait établir la preuve de la détention des comptes par d’autres moyens.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt, réaffirmant que le juge fiscal ne peut retenir un fait que le juge pénal a expressément écarté, même en raison d’un doute. Elle a ainsi consacré une interprétation stricte de l’autorité de la chose jugée, interdisant toute réévaluation des faits par l’administration fiscale après une relaxe définitive.
Cet arrêt marque une étape décisive en ce qu’il :
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la prise en compte d'un contrat de commodat dans l'évaluation de la valeur vénale d'un immeuble pour le calcul de la taxe de 3 % prévue à l'article 990 D du Code général des impôts.
Faits et procédure
Une société immatriculée au Liechtenstein, propriétaire d'un immeuble situé en France, a fait l'objet d'un redressement fiscal portant sur la sous-évaluation de son bien pour l'assiette de la taxe annuelle de 3 %. L'administration fiscale, estimant la valeur initialement déclarée insuffisante, a notifié un rehaussement, puis accordé une décote de 20 % en considération d'un contrat de commodat grevant le bien. Contestant cette décote, la société a saisi les juridictions pour obtenir une décharge plus importante.
Moyens et question de droit
La question portée devant la Cour de cassation portait sur la possibilité de prendre en compte une décote plus importante en raison de la présence d'un commodat. L'administration fiscale soutenait que la valeur vénale devait être appréciée de manière objective et que le commodat ne devait pas impacter cette évaluation. En revanche, la société requérante invoquait les contraintes liées au contrat de commodat, lequel limitait la libre disposition du bien jusqu'à une date précise (2023), et arguait que l'abattement appliqué était insuffisant.
Solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l'administration fiscale. Elle retient que l'administration fiscale n'était pas recevable à présenter devant elle une argumentation incompatible avec celle développée en appel. Elle valide ainsi la décision de la cour d'appel, qui avait estimé qu'une décote de 40 % était justifiée compte tenu des restrictions juridiques liées au commodat.
Portée de l'arrêt
Cet arrêt met en lumière l'impact juridique du commodat sur la valorisation des biens immobiliers soumis à la taxe de 3 %. Il confirme qu'une décote peut être appliquée pour tenir compte des limitations de jouissance imposées au propriétaire.
Cette décision parait transposable à toutes les impositions assise sur l'assiette d'un bien immobilier (IFI, droit de donation, droit de succession...).
Le quasi-usufruit, défini à l’article 587 du Code civil, concerne les biens consomptibles tels que les sommes d’argent, les grains ou les liqueurs. Il confère à l’usufruitier le droit d’utiliser ces biens tout en l’obligeant à restituer, à la fin de l’usufruit, des biens équivalents en quantité et en qualité ou leur valeur estimée au moment de la restitution.
Il existe deux formes de quasi-usufruit :
Le remboursement anticipé de la dette de restitution est juridiquement possible, sous réserve du respect des principes encadrant le quasi-usufruit. L’usufruitier peut décider de restituer la dette avant la fin de l’usufruit, à condition d’obtenir l’accord du nu-propriétaire et de se conformer aux termes d’une convention ou aux dispositions légales applicables.
Cependant, le remboursement anticipé soulève plusieurs questions, notamment en matière de valorisation de la dette. Sa valeur peut varier en fonction du moment où la restitution intervient, ce qui nécessite une évaluation rigoureuse.
Dans le cadre d’un quasi-usufruit conventionnel, il est recommandé de formaliser les conditions du remboursement anticipé au sein d’une convention. Celle-ci doit notamment prévoir :
Le traitement fiscal de la dette de restitution varie selon qu’il s’agit d’un quasi-usufruit légal ou conventionnel.
Dans le cadre d’un quasi-usufruit légal, la dette de restitution est, en principe, déductible de l’actif successoral. Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de l’article 774 bis du CGI (applicable aux successions ouvertes à compter du 29 décembre 2023), cette déductibilité est restreinte lorsque la dette ne repose sur aucune justification autre qu’un objectif fiscal.
Si un remboursement anticipé est réalisé avant le décès de l’usufruitier, la dette disparaît et ne peut plus être déduite du passif successoral. En fonction des circonstances, l’administration fiscale pourrait également considérer cette opération comme un transfert patrimonial taxable.
Pour un quasi-usufruit conventionnel, l’impact fiscal dépend des modalités prévues dans la convention. Un remboursement anticipé non encadré pourrait être requalifié en donation déguisée ou en abus de droit (article L. 64 A du Livre des procédures fiscales).
Il est donc essentiel :
Type de quasi-usufruit | Remboursement anticipé possible ? | Principales conséquences fiscales |
---|---|---|
Légal | Oui, sous conditions | Limitation possible de la déductibilité (CGI art. 774 bis) ; risque de taxation au titre des droits de mutation par décès |
Conventionnel | Oui, si prévu par une convention | Risque de requalification (abus de droit, donation déguisée) ; nécessité d’une convention enregistrée |
Le remboursement anticipé de la dette de restitution dans le cadre d’un quasi-usufruit doit être envisagé avec prudence. S’il est juridiquement possible, il requiert une analyse approfondie des conséquences fiscales et successorales, notamment au regard des récentes évolutions législatives. Une convention bien rédigée et enregistrée auprès de l’administration fiscale demeure le meilleur outil pour sécuriser une telle opération.
L’article L 16 D du LPF, modifié par la loi de finances pour 2025, adapte les modalités de contrôle pour les entreprises soumises au régime simplifié d’imposition en matière de TVA.
📝 Principales mesures :
🔹 Champ d’application élargi : Le contrôle portera sur toutes les opérations, y compris les factures fictives ou non déclarées.
🔹 Délais accélérés : Le contrôle pourra débuter dès le deuxième mois suivant la réalisation des opérations.
🔹 Sanctions : En cas de factures fictives, l’entreprise pourra être placée d’office sous le régime réel normal d’imposition.
La loi de finances renforce le délai spécial de reprise de l’administration fiscale à 10 ans dans les cas suivants :
✅ Fausse domiciliation
✅ Non-déclaration d’avoirs détenus à l’étranger, y compris les actifs numériques
Cette disposition aligne la lutte contre la fraude en matière de crypto-actifs sur les règles existantes pour les avoirs à l’étranger.
⏳ Dépôt tardif des déclarations (articles 1649 AC du CGI et L 102 AG du LPF) :
💰 Amende de 200 € par compte ou titulaire omis.
📌 Exception : L’amende ne s’applique pas si le retard est causé par un contrôle de l’ACPR ou de l’AMF.
💡 Nouveauté 2026 : Les prestataires de services sur crypto-actifs devront déclarer les transactions effectuées par leur intermédiaire.
L’article 38 élargit la procédure de flagrance fiscale aux situations de manquements déclaratifs répétés. L’administration fiscale disposera ainsi d’un nouvel outil pour lutter contre la fraude persistante.
Page 2 sur 9
Le cabinet Chandellier-Corbel est un cabinet d'avocats fiscalistes à Paris. Situé dans le 4ème arrondissement, nous sommes spécialisés dans le droit fiscal des entreprises et des particuliers.
Si vous rencontrez des problèmes fiscaux complexes ou avez besoin de mettre en place une stratégie fiscale performante, contactez nos experts sans plus attendre !